« Equipe », « bien-être », … Deux mots prononcés par Guilhem Sevin, lors de son intervention aux rencontres Avignon Avenir Ambition du Grand Avignon, où les entreprises ont été invitées à parler de la façon dont elles voient leur territoire…
Vous devinez la suite … Oui, j’ai ramené ma fraise...
Rendez-vous est donc pris et je me rends au restaurant Christian Etienne, Maison gastronomique, emblématique d’Avignon….
En arrivant au pied du bâtiment, la magie opère déjà : accolé au palais des Papes, il dégage une atmosphère spéciale….
Un accueil tout en simplicité… et en famille…Corinne et Guilhem ont pris le temps de me parler de la Maison Christian Etienne…. devenue leur Maison.
Le Christian Etienne de Christian Etienne
La Maison Christian Etienne, dans son histoire, a été tenue, pendant plus de 25 ans, par son propriétaire du même nom…
« Positif et généreux, dans sa cuisine, comme dans la vie », me dit Guilhem pour qualifier le Chef dont il a été le second pendant 16 ans.
Le verbe haut et fort, la renommée du restaurant tient tout autant de la qualité de la cuisine que de la personnalité et l’éclat de son patron.
Christian Etienne accueillait avec ses tripes. Il était de partout à la fois, de l’accueil pour enlever les manteaux à l’annonce du plat, ou à l’addition, il emmène le pain, discute avec les clients, …. Le Chef est omniprésent.
Cependant, même pour un chef charismatique et joyeux, la gestion d’un établissement n’est pas rose tous les jours : quitter la veste blanche, et la reconnaissance qui l’accompagnait, a été un acte difficile, douloureux, mais nécessaire.
Début 2016, Guilhem et Corinne prennent le relais.
Mettre sa pâte
Pour simplifier, cela signifie : Ou comment passer du Christian Etienne de Christian Etienne au Christian Etienne de Guilhem et Corinne Sevin après avoir été, pour Guilhem, second de Christian Etienne au Christian Etienne de Christian Etienne pendant 16 ans.
On ne va pas vous raconter de salades : il n’a pas été simple pour eux de trouver leur pâte.
En effet, après la reprise, les clients attendaient encore du « Christian Etienne »,.. ce que ni Guilhem, ni Corinne ne pouvaient ni voulaient donner : « Ce n’est pas nous »
Par l’intitulé « Maison Christian Etienne PAR Guilhem et Corinne Sevin » : tout est dit.
La transition se fait progressivement… avec de gros moments de solitude, comme un soir de réveillon triste comme un jour sans pain… mais avec l’envie, au quotidien, de construire.
Tout d’abord, Guilhem et Corinne y mettent qui ils sont.
Ainsi, les maîtres-mots de cette nouvelle culture : l’équilibre et la douceur, qui se retrouvent autant dans l’assiette que dans le management de l’équipe.
L’équilibre est également favorisé par des « liants ».
Le liant, en cuisine, sert à augmenter la tenue et l'homogénéité entre plusieurs éléments. Il n’est pas étonnant que ce soit le terme choisi.
Un des liants : l’orange.
L’orange est la couleur préférée de Guilhem. On en trouve de petites touches discrètes, un peu partout
Un autre liant : poser une trame, comme des rituels. Votre bougie, par exemple, c’est Corinne qui l’allume. C’est sa façon de vous accueillir, et de rester présente auprès de vous durant votre repas.
L’idée étant de passer d’une sorte de « patchwork » à une unité plus discrète et élégante.
Concernant la douceur, je ne résiste pas à l’envie de citer Corinne, : « Guilhem, avec sa patience, sa douceur et son joli sourire, … »
Oui, la douceur, le calme font partie de la personnalité de Guilhem.
Pour Corinne, il lui a fallu apprendre la patience et réussir à trouver sa place : Corinne a travaillé seule pendant plus de 10 ans dans un tout autre secteur. Se retrouver au sein d’une équipe, ancienne, n’a pas été évident.
Pour les deux, une forme d’humilité : « là on s’est planté, là, on ne sait pas faire, … »… mais aussi, si l’on ne sait pas vraiment encore que l’on veut et comment on le veut, « on sait ce que l’on ne veut pas ».
Dans ce qu’ils ne veulent pas : le bruit, et être partout à la fois : pour assurer l’équilibre, chacun et chaque chose doit être à sa juste place.
« On a du mal à être reconnus, mais cette étoile, c’est la nôtre »
Difficile d’être reconnu, quand on ne sait pas encore qui on est, en tant qu’entité, ou quel est le message que l’on souhaite faire passer…. Ou quand on ne répond plus à certaines attentes, certaines habitudes.
Malgré tout, l’exigence, en termes de qualité, l’audace et la prise de risque, tout en gardant certains incontournables de la maison ont été récompensés, reconnus.
Dans leur nouvel ADN, l’énergie positive, la sensibilité, l’émotion ont toute leur place. Leur juste place.
On raconte des histoires dans les menus, on cherche, en permanence, à créer la surprise, on essaie, on teste, on valide, on sort de vieilles cloches de la cave et elles donnent une autre magie à un plat… Le souci du détail (constaté sur place) va jusqu’à s’assoir à la table pour ressentir ce que pourrait ressentir le client…. Vivre l’expérience client.
Culture et management : la proximité fait que lorsqu’un membre de l’équipe n’est pas dans son assiette, cela se remarque immédiatement. « L’erreur serait de réagir sur le moment : on laisse le temps »
« En fin de service, on fait un briefing, on marque le coup », l’idée est de parler aussi des choses qui vont bien. Les anniversaires sont fêtés.
Sur le site du restaurant, l’équipe est présentée, du second, aux personnes qui s’occupent de la plonge et du linge.
Ce positionnement vient aussi de l’expérience de Guilhem : on prend la grosse tête, et ça vous ruine une brigade. Après avoir compris par l’expérimentation que son propre comportement était à l’origine du comportement et des résultats de son équipe, Guilhem favorise le travail d’équipe, une bonne ambiance et une bonne entente générale.
Bon, ok, parfois, il n’y va avec le dos de la cuillère, mais, en cuisine, maintenir un niveau de pression semble nécessaire pour rester attentif et concentré.
Culture et recrutement : l’équipe est en majorité présente depuis longtemps. Les choses se font souvent à l’instinct. C’est le cas du dernier recrutement. « On a discuté, et on a « su ». C’est ainsi qu’est arrivé Jean-Claude, qui, par son approche, a permis à Corinne et Guilhem de remettre l’art de la table en lumière… et donc de participer à leur souci d’élégance.
Culture « gastromique » : La cuisine, c’est un monde où les codes sont importants. Le vouvoiement fait partie de ces codes, dans un sens et dans l’autre. Le OUI CHEF, signifie le respect, l’écoute, l’adhésion.
Culture et gestion humaine : « qu’ils soient bien », c’est l’objectif des nouveaux dirigeants. Cela passe beaucoup par l’écoute… « que chacun sache qu’il n’est pas un numéro, et nous simplement un chèque à la fin du mois ». Les salariés bénéficient d’un comité d’entreprise, par adhésion à un CE externalisé, l’eau, les repas, le café….
Culture et bien-être : le bien- être passe par l’assiette, mais aussi par le corps. Corinne et Guilhem sont des adeptes du Crossfit.
Je vous laisse deviner qui a entraîné l’autre, mais Guilhem (oui, le suspense est très court 😊) a tout de suite adhéré à la proposition de son épouse : en sport, comme en cuisine, « ce n’est jamais pareil ». Pour un même exercice, on peut travailler différemment, on apprend à mieux gérer son effort et ses objectifs.
Culture et personnalités des dirigeants : Guilhem est fils de relieuse de livres et d’ostéopathe. Il a traîné dans les ateliers de sa mère et en a ressorti une certaine philosophie, une sensibilité, notamment dans les choix d’assemblage… Et coté papa, ce travail autour de l’énergie, de rechercher les émotions à l’origine des maux… cet ADN lui permet d’ « emmener le client vers le message qu’il veut lui faire passer »
Corinne vient du monde des fleurs. Métier créatif, s’il en est, la composition florale est « une construction ». Là aussi, cette notion de dosage et d’assemblage est très présente.
On sent que ce restaurant est réfléchi à deux, et tenu à deux.
Corinne et Guilhem forment un binôme, où l’un(e), même quand ils parlent en même temps, écoute l’autre. C’est assez étonnant.
Nous avons presque fini, et Madame va se préparer pour accueillir ses invités et … … re -magie ! Toute de rouge vêtue, on sent Corinne prête à recevoir ses convives. Guilhem passe sa Veste Blanche : à table !
La reprise d’une entreprise, quelle qu’elle soit, n’est pas simple. L’aspect gestion est une chose, la culture, l’âme que l’on veut y attacher en est une autre. C’est ce qui fait qu’on peut perdre des clients, et que l’on peut en accueillir de nouveaux.
Guilhem et Corinne, après un peu plus d’un an, sont encore en train de se chercher…dans le sens où, ils savent qui ils sont, mais cherchent à comment le traduire dans leur nouvelle maison.
Avec leur équipe, ils peuvent compter sur leur (bonne) étoile pour garder le cap, jusqu’à ce qu’ils trouvent la nouvelle étoile qui leur permettra de décrocher la lune…